Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour!
- Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve!
Je me souviens!... J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
- Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon!
Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire;
L'irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons;
Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons(1).
(1) Le mot: Genus irritabile vatum, date de bien des siècles
avant les querelles des Classiques, des Romantiques, des Réalistes,
des Euphuistes etc... Il est évident que par l'irrésistible Nuit
M. Charles Baudelaire a voulu caractériser l'état actuel de la lité-
rature, et que les crapauds imprévus et les froids limaçons
sont les écrivains qui ne sont pas de son école.
Ce sonnet a été composé en 1862, pour servir d'épilogue à un
livre de M. Charles Ansselineau, qui n'a pas paru: Mélanges tirés
d'une petite bibliothèque romantique; lequel devait avoir pour
prologue un sonnet de M. Théodore de Banville: Le lever du soleil
romantique.
(Note de l'éditeur.)
Rédacteur : Estelle
Date de création : 22/10/2006 @ 01:32
Dernière modification : 27/06/2012 @ 08:47
Catégorie : Charles Baudelaire
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