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Policier - Déjeuners avec le destin
SCIENCE FICTIONDEJEUNERS AVEC LE DESTINPar Arthur PorgesQuand il quitta son bureau miteux et bruyant, Paul Greenwood ne savait toujours pas où il déjeunerait. Cette décision revêtait à ses yeux une importance capitale. La coupure de midi était en effet, un intermède précieux au milieu de la journée. Petit, étroit d'épaule, le cou maigre, le teint jaunâtre, le bassin large et les fesses épanouies, Paul greenwood ressemblait à une poire. Il marchait lentement, en traînant les pieds, trahissant ainsi son manque total d'énergie. tout en lui, d'ailleurs, attestait la médiocrité : cheveux parcimonieux, absence complète d'ambition, personnalité effacée pour ne pas dire inexistante, emploi subalterne et sans espoir de promotion. A quarante-trois ans il n'avait rien fait et ne pouvait plus rien attendre de la vie. La vie est belle, pensa-t-il toutefois en levant les yeux vers le ciel bleu. Le soleil d'avril lui chauffait le dos et un petit vent frais, revigorant, chargé d'odeurs de cuisine, lui flattait les narines. En arrivant au carrefour de Forest Street et de Lighthouse street, où régnait comme d'habitude une circulation ahurissante, il n'avait toujours pas décidé de l'endroit où il déjeunerait. Que choisir? Une soupe de palourdes, un cheeseburger et, peut-être, un gâteau au chocolat au Flo's Café, ou une assiette de boeuf haché, aux piments et haricots oruges, chez El Matador? Paul Greenwood se pourlécha ; son appétit se réveillait. Gros mangeur, il avait toujours considéré la nourriture non seulement comme une nécessité, mais, bien plus, comme le principal plaisir de sa morne existence. Comme c'est souvent le cas dans la vie, un événement insignifiant décida du choix de notre homme. Le feu venait de tomber au rouge et, plutôt que d'attendre qu'il redevînt vert, Paul Greenwood tourna à droite avec la foule des passants et se dirigea donc vers Flo's. D'un tempérament indécis qui n'était pas sans rappeler l'âne de Buridan, il fut soulagé de n'avoir pas à trancher. Il passait devant la banque quand des cris suivis de coups de feu retentirent à l'intérieur de l'établissement. Deux hommes armés de revolvers en sortirent précipitamment ; l'un d 'eux portait un sac de toile. Ils couraient vers paul. En arrivant à son niveau, le plus grand des bandits lui enfonça le canon de son arme dans les côtes. - En voiture ! Plus vite que ça ! cria-t-il d'une voix féroce. Seuls les malfrats de seconde zone auraient choisi cette Daimler d'un autre temps, reconnaissable entre mille, mais ils avaient été impressionnés par sa ligne agressive qui suggérait puissance et rapidité. Il faut préciser, toutefois, à leur décharge, que le véhicule, garé dans une rue tranquille, avait été facile à voler.
Les minutes qui suivirent devraient lui donner tort. Un tireur délite, embusqué derrière un buisson qui bordait la route, épaula son fusil et prit l'un des bandits dans son viseur. Il pouvait faire feu sans menacer la vie de l'otage. Apparemment,du moins, car lorsque la balle de 30 millimètres pulvérisa la colonne vertébrale du gangster qui menaçait Paul de son revolver, tout son corps se contracta, y compris l'index pressé sur la détente, de l'arme. Une terrible explosion résonna dans la tête de Paul, mais il ne sentit rien. Il entrevit seulement un nuage écarlate qui s'assombrit aussitôt et l'enveloppa de toute part. Il sombra, sans délai, dans une nuit sans fin. Tel fut le premier rendez-vous de Paul Greenwood avec le destin. Date de création : 27/10/2012 @ 18:01
Dernière modification : 27/10/2012 @ 18:01
Catégorie : Policier
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