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Louis Aragon - Plainte pour le quatrième centenaire d'un amour
Plainte pour le quatrième centenaire d'un amour(extrait)L'amour survit aux revers de nos armes Linceul d'amour à minuit se découd Les diamants naissent au fond des larmes L'avril encore éclaire l'époque où S'étend sur nous cette ombre aux pieds d'argile Jeunesse peut rêver la corde au cou Elle oublia Charles-Quint pour Virgile Les temps troublés se ressemblent beaucoup Abandonnant le casque et la cantine Ces jeunes gens qui n'ont jamais souri L'esprit jaloux des paroles latines Qu'ont-ils appris qu'ils n'auront désappris Ces deux enfants dans les buissons de France Ressemblent l'Ange et la Vierge Marie Il sait par cœur Tite-Live et Térence Quand elle chante on dirait qu'elle prie Je l'imagine Elle a les yeux noisette Je les aurai pour moi bleus préférés Mais ses cheveux sont roux comme vous êtes O mes cheveux adorés et dorés Je vois la Saône et le Rhône s'éprendre Elle de lui comme eux deux séparés Il la regarde et le soleil descendre Elle a seize ans et n'a jamais pleuré Les bras puissants de ces eaux qui se mêlent C'est cet amour qu'ils ne connaissent pas Qu'ils rêvaient tous deux Olivier comme Elle Lui qu'un faux amour à Cahors trompa Vêtu de noir comme aux temps d'aventure Les paladins fiancés aux trépas Ceux qui portaient à la table d'Arthur Le deuil d'aimer sans refermer leurs bras Quel étrange nom la Belle Cordière Sa bouche est rouge et son corps enfantin Elle était blanche ainsi que le matin Lyon Lyon n'écoute pas la Saône Trop de noyés sont assis au festin Ah que ces eaux sont boueuses et jaunes Comment pourrais-je y lire mon destin Je chanterai cet amour de Loyse Qui fut soldat comme Jeanne à seize ans Dans ce décor qu'un regard dépayse Qui défera ses cheveux alezan Elle avait peur que la nuit fût trop claire Elle avait peur que le vin fût grisant Elle avait peur surtout de lui déplaire Sur la colline où fuyaient les faisans N'aimes tu pas le velours des mensonges Il est des fleurs que l'on appelle pensées J'en ai cueilli qui poussaient dans mes songes J'en ai pour toi des couronnes tressé Ils sont entrés dans la chapelle peinte Et sacrilège il allait l'embrasser La foudre éclate et brûle aux yeux la sainte Le toit se fend les murs sont renversés Ce coup du ciel à jamais les sépare Rien ne refleurira ces murs noircis Et dans nos cœurs percés de part en part Qui sarclera les fleurs de la merci Ces fleurs couleurs de Saône au cœur de l'homme Ce sont les fleurs qu'on appelle soucis Olivier de Magny se rend à Rome Et Loyse Labé demeure ici Quatre cents ans les amants attendirent Comme pêcheurs à prendre le poisson Quatre cents ans et je reviens leur dire Rien n'est changé ni nos cœurs ne le sont C'est toujours l'ombre et toujours la mal'heure Sur les chemins déserts où nous passons France et l'Amour les mêmes larmes pleurent Rien ne finit jamais par des chansons. Louis Aragon Retour au choix des poèmes Louis Aragon Date de création : 03/01/2008 @ 11:18
Dernière modification : 27/06/2012 @ 21:20
Catégorie : Louis Aragon
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