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Paul Verlaine - Sagesse III - II - Du fond du grabat
Poème de Paul VERLAINE (1844 - 1896)Sagesse III - IIDu fond du grabatAs-tu vu l'étoile Que l'hiver dévoile ? Comme ton coeur bat, Comme cette idée, Regret ou désir, Ravage à plaisir Ta tête obsédée, Pauvre tête en feu, Pauvre coeur sans dieu ! L'ortie et l'herbette Au bas du rempart D'où l'appel frais part D'une aigre trompette, Le vent du coteau, La Meuse, la goutte Qu'on boit sur la route À chaque écriteau, Les sèves qu'on hume, Les pipes qu'on fume ! Un rêve de froid : " Que c'est beau la neige Et tout son cortège Dans leur cadre étroit ! Oh ! tes blancs arcanes, Nouvelle Archangel, Mirage éternel De mes caravanes ! Oh ! ton chaste ciel, Nouvelle Archangel ! " Cette ville sombre ! Tout est crainte ici... Le ciel est transi D'éclairer tant d'ombre. Les pas que tu fais Parmi ces bruyères Lèvent des poussières Au souffle mauvais... Voyageur si triste, Tu suis quelle piste ? C'est l'ivresse à mort, C'est la noire orgie, C'est l'amer effort De ton énergie Vers l'oubli dolent De la voix intime, C'est le seuil du crime, C'est l'essor sanglant. - Oh fuis la chimère : Ta mère, ta mère ! Quelle est cette voix Qui ment et qui flatte ? " Ah ! la tête plate, Vipère des bois ! " Pardon et mystère. Laisse ça dormir. Qui peut, sans frémir, Juger sur la terre ? - Ah ! pourtant, pourtant, Ce monstre impudent ! " La mer ! Puisse-t-elle Laver ta rancœur, La mer au grand coeur, Ton aïeule, celle Qui chante en berçant Ton angoisse atroce, La mer, doux colosse Au sein innocent, Grondeuse infinie De ton ironie ! Tu vis sans savoir ! Tu verses ton âme, Ton lait et ta flamme Dans quel désespoir ? Ton sang qui s'amasse En une fleur d'or N'est pas prêt encor À la dédicace. Attends quelque peu, Ceci n'est que jeu. Cette frénésie T'initie au but. D'ailleurs, le salut Viendra d'un Messie Dont tu ne sens plus Depuis bien des lieues Les effluves bleues Sous tes bras perclus, Naufragé d'un rêve Qui n'a pas de grève ! Vis en attendant L'heure toute proche. Ne sois pas prudent. Trêve à tout reproche. Fais ce que tu veux. Une main te guide À travers le vide Affreux de tes voeux. Un peu de courage, C'est le bon orage. Voici le Malheur Dans sa plénitude. Mais à sa main rude Quelle belle fleur ! " La brûlante épine ! " Un lis est moins blanc. " Elle m'entre au flanc. " Et l'odeur divine ! " Elle m'entre au coeur. " Le parfum vainqueur ! " Pourtant je regrette, Pourtant je me meurs, Pourtant ces deux cœurs... " Lève un peu la tête : " Eh bien, c'est la Croix. " Lève un peu ton âme De ce monde infâme. " Est-ce que je crois ? " Qu'en sais-tu ? La Bête Ignore sa tête, La Chair et le Sang Méconnaissent l'Acte. " Mais j'ai fait un pacte Qui va m'enlaçant À la faute noire, Je me dois à mon Tenace démon : Je ne veux point croire. Je n'ai pas besoin De rêver si loin ! " Aussi bien j'écoute Des sons d'autrefois. Vipère des bois, Encor sur ma route ? Cette fois tu mords. " Laisse cette bête. Que fait au poète ? Que sont des cœurs morts ? Ah ! plutôt oublie Ta propre folie. Ah ! plutôt, surtout, Douceur, patience, Mi-voix et nuance, Et paix jusqu'au bout ! Aussi bon que sage, Simple autant que bon, Soumets ta raison Au plus pauvre adage, Naïf et discret, Heureux en secret ! Ah ! surtout, terrasse Ton orgueil cruel, Implore la grâce D'être un pur Abel, Finis l'odyssée Dans le repentir D'un humble martyr D'une humble pensée. Regarde au-dessus... " Est-ce vous, JÉSUS ? " Recueil " Sagesse " 1880 - Poèmes de Paul VERLAINE | Auteurs Classiques Date de création : 21/10/2007 @ 20:46
Dernière modification : 25/07/2012 @ 10:32
Catégorie : Paul Verlaine
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